Monday, August 30, 2010

Sartre, L'être transphénoménal des phénomènes.

Sartre, L’Etre et le Néant,
Introduction: A la recherche de l'être.

II- Le phénomène d’être et l’être du phénomène.
pp.15-6.
« En considérant non l'être comme condition du dévoilement, mais l'être comme apparition qui peut être fixée en concepts, nous avons compris tout d'abord que la connaissance ne [16] pouvait à elle seule rendre raison de l'être, c'est-à-dire que l'être du phénomène ne pouvait se réduire au phénomène d'être. En un mot, le phénomène d'être est « ontologique » au sens où l'on appelle ontologique la preuve de saint Anselme et de Descartes. Il est un appel d'être; il exige, en tant que phénomène, un fondement qui soit transphénoménal. Le phénomène d'être exige la transphénoménalité de l'être. Cela ne veut pas dire que l'être se trouve caché derrière les phénomènes (nous avons vu que le phénomène ne peut pas masquer l'être) - ni que le phénomène soit une apparence qui renvoie à un être distinct (c'est en tant qu'apparence que le phénomène est, c'est-à-dire qu'il s'indique sur le fondement de l'être). Ce qui est impliqué par les considérations qui précèdent, c'est que l'être du phénomène, quoique coextensif au phénomène, doit échapper à la condition phénoménale - qui est de n'exister que pour autant qu'on se révèle
- et que, par conséquent, il déborde et fonde la connaissance qu'on en prend. »

III - Le cogito « préréflexif » et l’être du « percipere ».
p.17.
« l'être-fondement du percipere et du percipi doit échapper lui-même au percipi: il doit être transphénoménal. Nous revenons à notre point de départ. Toutefois on peut nous accorder que le percipi renvoie à un être qui échappe aux lois de l’apparition, mais tout en maintenant que cet être transphénoménal est l'être du sujet. Ainsi le percipi renverrait au percipiens - le connu à la connaissance et celle-ci à l'être connaissant en tant qu'il est, non en tant qu'il est connu, c'est-à-dire à la conscience. C'est ce qu'a compris Husserl : car si le noème est pour lui un corrélatif irréel de la noèse, dont la loi ontologique est le percipi, la noèse, au contraire, lui apparaît comme la réalité, dont la caractéristique principale est de se donner à la réflexion qui la connaît, comme « ayant été déjà là avant ». Car la loi d'être du sujet connaissant, c'est d'être-conscient. La conscience n'est pas un mode de connaissance particulier, appelé sens intime ou connaissance de soi, c'est la dimension d'être transphénoménale du sujet. »

IV - L’être du « percipi ».
pp.23-4.
« Le « percipi » nous a renvoyé à un « percipiens », dont l'être s'est révélé à nous comme conscience. Ainsi aurions-nous atteint le fondement ontologique de la connaissance, l'être premier à qui toutes les autres apparitions apparaissent, l'absolu par rapport à quoi tout phénomène est relatif. Ce n’est point le sujet, au sens kantien du terme, mais c'est la subjectivité même, l'immanence de soi à soi. Dès à présent, nous avons échappé à l'idéalisme : pour celui-ci l'être est mesuré par la connaissance, ce qui le soumet à la loi de dualité ; il n'y a d'être que connu, s'agît-il de la pensée même : la pensée ne s'apparaît qu'à travers ses propres produits, c'est-à-dire que nous ne la saisissons jamais que comme la signification des pensées faites ; et le philosophe en quête de la pensée doit interroger les sciences constituées pour l'en tirer, à titre de condition de leur possibilité. Nous avons saisi, au contraire, un être qui échappe à la connaissance et qui la fonde, une pensée qui ne se donne point comme représentation ou comme signification des pensées exprimées, mais qui est directement saisie en tant qu'elle est - et ce mode de saisissement n'est pas un phénomène de connaissance, mais c'est la structure de l’être. Nous nous trouvons à présent sur le terrain de la phénoménologie husserlienne, bien que Husserl [24] lui-même n'ait pas toujours été fidèle à son intuition première. Sommes-nous satisfait? Nous avons rencontré un être transphénoménal, mais est-ce bien l'être auquel renvoyait le phénomène d'être, est-ce bien l'être du phénomène ? Autrement dit l'être de la conscience suffit-il à fonder l'être de l'apparence en tant qu'apparence ? Nous avons arraché son être au phénomène pour le donner à la conscience, et nous comptions qu'elle le lui restituerait ensuite. Le pourra-t-elle ? »

p.24
« En tant, donc, que le connu ne peut se résorber dans la connaissance, il faut lui reconnaître un être. Cet être, nous dit-on, c'est le percipi. Reconnaissons tout d'abord que l'être du percipi ne peut se réduire à celui du percipiens - c'est-à-dire à la conscience - pas plus que la table ne se réduit à la liaison des représentations. »

p.26
« L'esse du phénomène ne saurait être son percipi. L'être transphénoménal de la conscience ne saurait fonder l'être transphénoménal du phénomène. »

V - La preuve ontologique.
p.26
« nous croyions être dispensé d'accorder la transphénoménalité à l'être du phénomène, parce que nous avons découvert la transphénoménalité de l'être de la conscience. Nous allons voir, tout au contraire, que cette transphénoménalité même exige celle de l'être du phénomène. »

p.29
« Il est bien entendu que cet être [autre que la conscience et impliqué par elle] n'est autre que l'être transphénoménal des phénomènes et non un être nouménal qui se cacherait derrière eux. C'est l'être de cette table, de ce paquet de tabac, de la lampe, plus généralement l'être du monde qui est impliqué par la conscience. Elle exige simplement que l'être de ce qui apparaît n'existe pas seulement en tant qu'il apparaît. L'être transphénoménal de ce qui est pour la conscience est lui-même en soi. »

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