Friday, June 25, 2010

Lacan, La peur, L'angoisse

« Une chose est certaine, c’est la différence radicale entre les deux sentiments, le sentiment de peur et le sentiment d’angoisse, lequel apparait lorsque l’enfant [le petit Hans] se sent tout d’un coup lui-même comme quelque chose qui peut être mis complètement hors jeu. […] le sol se dérobe sous ses pieds. L’enfant conçoit alors qu’il ne peut plus remplir d’aucune façon sa fonction, n’être plus rien […]. L’angoisse […] est quelque chose qui est sans objet. […] La peur concerne toujours quelque chose d’articulable, de nommable, de réel […]. »
Lacan, La relation d’objet, Séminaire IV. Seuil. pp. 244-5.



Comparer avec Sein und Zeit § 30, 39, 40 ; en particulier, §40, pp.185-8:

« le devant-quoi de la peur est à chaque fois un étant intramondain, faisant approche vers la proximité à partir d’une contrée déterminée, importun, mais pouvant aussi bien rester éloigné. Or dans l’échéance, le Dasein se détourne de lui-même. Le devant-quoi de ce recul doit en général avoir le caractère de la menace, et pourtant, c’est un étant de même mode d’être que l’étant même qui recule, c’est le Dasein lui-même. Le devant-quoi de ce recul ne peut donc pas être saisi comme du « redoutable », puisque le redoutable ne fait jamais encontre que comme étant intramondain. La menace qui peut seule être « redoutable » et qui est découverte dans la peur provient toujours de l’étant intramondain. Par suite, le détournement propre à l’échéance n’est pas non plus une fuite qui se fonderait sur la peur devant un étant intramondain. Un tel caractère dérivé de fuite revient si peu à ce détournement que tout au contraire il se tourne vers l’étant intramondain en tant qu’il s’identifie à lui. Le détournement de l’échéance se fonde bien plutôt dans l’angoisse, qui à son tour rend tout d’abord possible la peur.
Pour comprendre cette idée de la fuite échéante du Dasein devant lui-même, il faut se rappeler l’être-au-monde comme constitution fondamentale de cet étant. Le devant-quoi de l’angoisse est l’être-au-monde comme tel. Comment ce devant quoi l’angoisse s’angoisse se distingue-t-il de ce devant quoi la peur prend peur ? Réponse : le devant-quoi de l’angoisse n’est pas un étant intramondain. Dès lors, ce n’est plus de celui-ci qu’il peut retourner. La menace n’a pas le caractère d’une importunité déterminée qui frapperait l’étant, menace du point de vue déterminé d’un pouvoir-être factice particulier. Le devant-quoi de l’angoisse est complètement indéterminé. Non seulement cette indéterminité laisse factuellement indécis quel étant intramondain menace, mais elle signifie qu’en général ce n’est pas l’étant intramondain qui est « pertinent ». Rien de ce qui est à-portée-de-la-main et sous-la-main à l’intérieur du monde ne fonctionne comme ce devant-quoi l’angoisse s’angoisse. La totalité de tournure de l’à-portée-de-la-main et du sous-la-main découverte de manière intramondaine est comme telle absolument sans importance. Elle s’effondre. [...] Le s’angoisser ouvre originairement et directement le monde comme monde. [...] L’angoisse ôte ainsi au Dasein la possibilité de se comprendre de manière échéante à partir du « monde » et de l’être-explicité public. [...] l’angoisse ouvre le Dasein comme être-possible, plus précisément comme ce qu’il ne peut être qu’à partir de lui-même, seul, dans l’isolement. »

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